Le 8 septembre 2019 sur le site du comice agricole du canton de Liffré à Saint-Sulpice-la-Forêt, s’est tenu un café philo dédié à l’agriculture.
Jean-François en a été le témoin invité. Pour être certains de ne pas être hors-sol, nous sommes partis de ce qu’il nous a dit de sa pratique agricole (éleveur, enseignant) et son rapport à la nature cultivée :
Fils et petit-fils d’agriculteur, JF suit une formation agricole pendant 6 ans mais, décu par un enseignement trop théorique, travaille pendant une dizaine d’années dans la logistique pour des entreprises du para-agricole. Là, il découvre comment l’agriculteur ou l’éleveur est complètement pris en charge (matériel, aliments, animaux, collecte du lait ou des animaux) et que son métier se réduit à “produire”, consommant au passage “beaucoup de pétrole et beaucoup de plastique”. JF prend alors conscience que l’agriculteur n’a plus la maîtrise de son métier et de son environnement et que sa réumunération dépend essentiellement de facteurs complètement extérieurs.
Il évoque les partenaires de l’éleveur (banques, constructeurs de bâtiments ou de machines agricoles, fournisseurs ou collecteurs, en coopérative ou non) comme des “gardiens de la prison agricole”. Comment prendre en main son avenir ?
En réaction, il décide de s’installer à son compte, sans aide, dans une optique de circuit court, vente directe et locale. Il rachète un élevage de pigeons mais, ne voulant pas être agriculteur à temps plein, il continue à côté d’autres activités (recyclage d’huile, formations). Au bout de dix ans, il prend la décision personnelle d’arrêter, ne laissant aucune dette mais un déficit à combler de quelques dizaines de milliers d’euros. Sa pluriactivité lui a cependant permis de vivre correctement ces dix années.
Il commence alors à enseigner en lycée agricole : “Qu’est-ce qu’on apprend aux jeunes ? Qu’il faudra travailler le sol, car l’agriculture ne pourra plus être aussi gournmande en énergie. Qu’il faudra décloisonner les métiers pour recréer du lien. Et peut-être désurbaniser.”
JF affirme que l’agriculture marche aujourd’hui “à l’envers” : elle est détachée du sol (un simple support auquel on apporte de l’eau et des engrais). On cultive “hors des aléas de la terre, hors des aléas du temps” et ce n’est pas raisonnable. À l’heure où notre savoir technique est immense, on perd des espèces animales. Et, en déforestant, on se prive d’un allié, l’arbre. Celui-ci relie la terre et le ciel, physiquement et spirituellement.
Le déroulé a été le suivant :
- Présentation libre par Jean-François de sa pratique agricole (éleveur et enseignant)
- Discussion libre à base de courtes questions-réponses
- Reformulations : dégager des conceptions philosophiques des propos de Jean-François (affirmations ne relevant pas de la pratique ou de la science mais qualifiant la place ou le rapport qu’à l’humain à la nature).
- Discussion sur une affirmation choisie
En conclusion à été posée la question Quels comices dans 20 ans ?
- Sans doute plus un lieu de réunion, d’expression pour faire bouger les choses. Où le café philo sera écrit en gros sur l’affiche, l’attraction principale.
- Où il y aura plus de place à l’agriculture raisonnée, au souci de la terre, avec des machines adaptées à cela.
- Le comice se tiendra dans un champ de permaculture : la voie est dans accompagner la nature, pas la dominer.
Amap à la fête agriculturelle
Le café s’est tenu le dimanche 21 avril dans le cadre de la fête agri-culturelle du Guibra, http://leguibra.fr/2019/hors-les-murs-%e2%80%a2-foire-agriculturelle/.
Nous y avons tenu une AMAP… Action pour le maintien d’une activité philosophique avec la participation de Brice, maraîcher dans une Amap. Pour être certains de ne pas être hors-sol, nous avons discuté à partir de ce qu’il nous a dit de sa pratique agricole. Important de ne pas artificialiser un tel sujet.
Je suis maraîcher depuis 2006 et mon activité me nourrit, au SMIC.
J’essaye de travailler avec les cycles naturels, en bio, plus exactement en maraîchage sur sol vivant. Ce qui m’intéresse dans le bio, ce n’est pas le côté “santé consommateur” mais plutôt d’une société-santé. C’est-à-dire le vivant, sa permanence.
En agronomie, un sol vivant, ça se voit. Un arbre, c’est matériel mais 90% de sa matière vient du carbone de l’air. Ainsi, des choses très peu puissantes sont à la base de ce qu’on produit.
En se concentrant uniquement sur la physique du sol, on l’a dévitalisé, on l’a rendu impropre. Et en travaillant le sol, on fait rentrer de l’oxygène qui fait disparaitre la matiére organique, par oxydation. Le compost, vu ainsi, c’est beaucoup de perte par chaleur, CO2 et azote qui auraient pu servir la vie du sol.
La réversibilité d’un sol est relativement facile à obtenir. Le pourcentage de matière organique, une fois porté à 5%, rend le sol vivant. Ensuite, il peut nourrir, abondamment.
Le déroulement :
- Présentation libre par Brice de sa pratique agricole
- Discussion libre
- Reformulations : les propos de Brice, les idées issues de la discussion
- Choix puis discussion sur un ou deux sujets
- Questions finales à Brice et aux participants : qu’avez-vous appris de la discussion ?